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Périphérique de Paris

La grande route est paradoxale. En même temps qu’elle irrigue et ouvre le monde, elle le divise et le pollue. La route et les automobiles apportaient l’aventure, la liberté, le développement, elles sont maintenant détestées. Mais la grande route est là, bien présente, encore jeune et robuste. Elle dessert et sectionne nos villes mais ce paradoxe ne serait-il pas à même d’engendrer une nouvelle richesse ou complexité urbaine ? Car il est certainement légitime et sans doute porteur de s’intéresser à nos vieux mythes dépassés, à ces lieux de la modernité dans lesquels nos sociétés ont tant cru et investi. Le périphérique est installé dans le lit d’une histoire toute française, infrastructure superposée à une limite administrative surpuissante, ou encore devenue illustre en si peu de temps et pour tous, habitants comme touristes, parce que définissant un « in » et un « out » dans la ville la plus visitée du monde…

Depuis plus de 15 ans, TVK mène des recherches sur le boulevard périphérique parisien et les infrastructures. Initiées au sein de TOMATO Architectes, un groupe de treize étudiants qui ont fait de La Ville du Périphérique le sujet de leur diplôme, la recherche s’est poursuivie par No Limit, une étude réalisée pour la Ville de Paris et la Région Île-de-France. Deux livres, aujourd’hui épuisés, témoignent de cette recherche.

Deux bastions de l’enceinte de Thiers en état de défense, 1871
Deux bastions de l’enceinte de Thiers en état de défense, 1871
Fortifications au bastion 10, 20e arrondissement, 1919
Fortifications au bastion 10, 20e arrondissement, 1919
Plan mettant en évidence l’espace associé au périphérique (rose) et à la Seine (contours)
Plan mettant en évidence l’espace associé au périphérique (rose) et à la Seine (contours)

La ville du périphérique


Entre l’agglomération parisienne d’aujourd'hui et celle de 1900, l’avènement du boulevard périphérique et des autoroutes, quelque temps après la destruction du dernier rempart, apparait comme la transformation urbaine la plus marquante. Le boulevard périphérique est un objet au départ étranger à la ville. Pourtant, il s’affirme comme l’expression la plus claire de la structure profonde de Paris : en lui donnant une existence matérielle, le périphérique réaffirme le cercle comme l’éternelle définition de Paris. Le périphérique suit la limite administrative entre un centre et des banlieues, mais, paradoxalement, la perception qu’il donne du territoire semble effacer cette situation : en voiture, le périphérique n'apparait pas comme la séparation entre deux rives distinctes ; il suggère plutôt une entité que la vision parvient à rendre consistante et homogène.

De part et d’autre, le paysage semble se tourner vers l’infrastructure. Le périphérique apparait alors comme le liant presque unique d'une partie de la métropole qui de plus en plus affiche un développement spécifique. Ainsi il existe une « ville » particulière entre Paris et Ia banlieue, et qui n’est ni l’une ni l’autre. Cette ville est la « Ville du périphérique ». La Ville du périphérique n'est pas issue d’un projet. Elle s’est pourtant développée autour d’une infrastructure qui fut l’objet d’un projet d’ensemble sur la limite parisienne. Elle fonctionne comme une superposition de logiques et de stratégies parfois contradictoires. Les relations y sont souvent conflictuelles : Ia juxtaposition de l’échelle locale (celle du séjour) et de l’échelle globale (celle du déplacement et de Ia délocalisation) peut créer des frictions douloureuses pour Ia ville et ses habitants. La Ville du périphérique n’est pas univoque.

Tomato Architectes (Flore Baudelot, Yannick Beltrando, Toma Damisch, Marie Degos, Martin Etienne, Nicolas Fonty, Rainer Härtlein, Joachim Lepastier, Carine Merlino, Julie Michaud, Alexandre Thériot, Pierre Alain Trévelo et Antoine Viger-Kohler).

Axonométries montrant l’évolution d’une portion type de la ceinture de Paris, entre 1840 et 1990
Axonométries montrant l’évolution d’une portion type de la ceinture de Paris, entre 1840 et 1990
Photographie aérienne surlignée montrant deux secteurs opposés de la ceinture entre les quais d’Issy-les-Moulineaux et la porte d’Orléans
Photographie aérienne surlignée montrant deux secteurs opposés de la ceinture entre les quais d’Issy-les-Moulineaux et la porte d’Orléans
Pages du livre d’Auguste Choisy, « Histoire de l’architecture », 1899. Au-dessus : Hôtel industriel Berlier (Dominique Perrault, 1990), Porte d’Ivry et tour de la Cité de l’air, Porte de Sèvres
Pages du livre d’Auguste Choisy, « Histoire de l’architecture », 1899. Au-dessus : Hôtel industriel Berlier (Dominique Perrault, 1990), Porte d’Ivry et tour de la Cité de l’air, Porte de Sèvres

No Limit


L’étude prospective de l’insertion urbaine du boulevard périphérique, réalisée pour la Ville de Paris et la Région Île-de-France, a permis de dégager une vision d’ensemble et contribue au changement de référentiel puisque le grand anneau n’est plus perçu comme une frontière : c’est un élément clé dans le panorama des situations urbaines qui caractérisent le centre de la métropole. Le Périphérique a 40 ans et reste toujours un objet mal connu. Seize territoires structurent « la ville du Périphérique » en autant de séquences intercommunales. L’identité de chaque séquence est marquée par des dysfonctionnements réels mais aussi par des potentialités fortes. La pression des nuisances ne doit pas occulter la diversité des ressources. Ces voies métropolitaines sont des vecteurs de continuité urbaine : elles représentent des courants d’échanges variés, actuels et possibles.

La méthode adoptée pour cette étude est à la fois thématique et territoriale. Dans la première phase, quatre grands thèmes ont été abordés : d’abord les représentations ou le regard porté sur le périphérique, ensuite la mobilité et les transports, puis la relation entre le périphérique et la métropole, enfin les programmes, la densité et l’environnement. Parallèlement, les études et les projets réalisés ont été recensés et mis en perspective. Enfin, un diagnostic de la « vie riveraine » a été établi pour clarifier les perceptions du périphérique et de ses abords. Dans la deuxième phase, six sites ont été sélectionnés pour proposer des stratégies de transformation. Ces scénarios urbains relèvent d’une démarche exploratoire. Avancer des solutions innovantes permet d’ouvrir des pistes de changement et d’élargir la réflexion avec les partenaires d’un urbanisme concerté.

Avant
Avant
Après
Après
Avant
Avant
Après
Après

Équipe TVK


Pierre Alain Trévelo, Antoine Viger-Kohler (associés), Sophie Bayce, Chiara Molinar (cheffes de projet), Caroline Desile, Gianluca Gaudenzi, Hee Won Jung, Martin Styring, Felix Tönnis